La Cour de Justice de la CEDEAO a rendu une décision historique dans une affaire de disparition forcée en Gambie durant le régime de l’ancien président gambien Yahya Jammeh. Le rapport indique que la Cour a également conclu que la République du Ghana a violé le droit à l’information, tel que garanti par l’Article 9 (1) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 et l’Article 19 (2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
La Cour de la CEDEAO a également ordonné au gouvernement ghanéen de remettre au plaignant, au plus tard quatre mois après la notification de son jugement, la documentation et une vidéocassette en sa possession concernant cette disparition forcée, y compris le rapport d’enquête conjointe ONU/CEDEAO de 2009, le rapport du coroner/pathologiste ghanéen sur les corps renvoyés par la Gambie au Ghana en 2009, ainsi qu’un rapport sur la répartition de l’argent versé par la Gambie aux familles ghanéennes. En particulier, la Cour a estimé que la divulgation de ces documents “pourrait améliorer la transparence concernant l’assassinat ou la disparition de certains Ghanéens en Gambie” et “éclairer sur la manière dont le gouvernement du Ghana a traité les questions qui en ont découlé, en particulier pour les membres de la famille des victimes comme le plaignant”.
La plainte devant la Cour de la CEDEAO avait été déposée par Isaac Mensah, fils de Peter Mensah, et 23 autres membres de sa famille, avec le soutien du Réseau africain contre les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées (ANEKED) en novembre 2020, contre la République du Ghana concernant les violations subies par Peter Mensah pour sa disparition forcée en Gambie pendant le régime de Jammeh, ainsi que les violations subies par sa famille en conséquence de cette disparition forcée.
Peter Mensah, citoyen ghanéen, avait été enlevé et soumis à une disparition forcée par la police et les forces de sécurité gambiennes, y compris les “Junglers”, un escadron de la mort supposément sous le contrôle direct de l’ancien président Jammeh, aux côtés d’au moins 67 autres migrants d’Afrique de l’Ouest, dont au moins 50 Ghanéens ainsi que des Nigérians, Sénégalais, Ivoiriens, Sierra-Léonais et Togolais, en Gambie en juillet 2005 alors qu’ils tentaient de migrer vers l’Europe.
Depuis 2018, Isaac Mensah – qui n’avait que 13 ans au moment de la disparition de son père – a inlassablement cherché à découvrir la vérité sur le sort de son père. En octobre 2019, il a demandé au gouvernement ghanéen des documents spécifiques relatifs à la disparition de son père, y compris le rapport de l’équipe d’enquête conjointe ONU/CEDEAO de 2009 sur la disparition des migrants d’Afrique de l’Ouest en Gambie. Ce rapport avait été remis au gouvernement ghanéen, mais n’avait jamais été publié et le gouvernement ghanéen n’avait jamais informé les familles des victimes des résultats de l’enquête, du contenu du rapport ou du sort de leurs proches disparus.
Le gouvernement ghanéen n’avait également pas répondu à la demande d’Isaac Mensah en octobre 2019 ni fourni les informations qu’il avait demandées. Comme les familles des autres migrants d’Afrique de l’Ouest et de tous ceux qui ont disparu pendant le régime de Jammeh, Isaac Mensah ne peut pas organiser des funérailles dignes pour son père ni pleurer correctement sa disparition sans ses restes. Les familles attendent toujours justice. Comme l’a rappelé l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), “le niveau d’angoisse et de souffrance infligé aux membres de la famille a été à plusieurs reprises considéré par la communauté médicale, psychologique et juridique comme suffisamment grave pour atteindre le seuil de la définition de la torture”.
L’OMCT avait soumis une note Amicus Curiae à la Cour de la CEDEAO en soutien au plaignant, que la Cour de la CEDEAO a saluée et qui sera utilisée dans d’autres affaires.
Jusqu’à la mise en place du Mécanisme spécial de responsabilité en Gambie, les “Junglers” Malick Jatta et Omar A. Jallow, qui ont admis en juillet 2019 devant la Commission vérité, réconciliation et réparation (TRRC) leur implication dans la disparition forcée et l’exécution des migrants ouest-africains disparus sur ordre de l’ancien président Jammeh, ainsi que tous les autres auteurs de ces crimes, continueront de bénéficier de l’impunité.
Les 22 années de règne de Jammeh ont été marquées par une oppression systématique, de graves violations des droits de l’homme et des crimes contre l’humanité, notamment la torture, les meurtres, les disparitions forcées et les violences sexuelles à l’encontre de milliers d’opposants réels et présumés. Cependant, les victimes attendent toujours justice. De nombreuses victimes sont déjà décédées et d’innombrables autres vivent encore avec des blessures permanentes résultant de la violence, tandis que ceux responsables de leur traumatisme vivent librement dans leurs communautés et n’ont pas été tenus responsables.