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Lettre au Président Barrow : Le journaliste vétéranAlagi Yorro Jallow fait appel au Président Barrow pour abandonner les charges contre les journalistes du journal The Voice   

Cher Président Adama Barrow,

J’espère que ce message vous parvient en bonne santé. En tant qu’ancien dirigeant des médias et journaliste chevronné enGambie, je me sens obligé de vous exprimer mes profondes préoccupations concernant les récentes accusations de diffamation portées contre les journalistes Musa Sheriff et Momodou Justice Darboe du journal *The Voice*. Cesaccusations, découlant de leurs articles sur votre prétenduestratégie de départ et votre successeur désigné, ont suscité unevive inquiétude parmi la communauté internationale et les défenseurs de la liberté de la presse.

En tant que défenseur des valeurs démocratiques et de la liberté de la presse, je vous implore de reconsidérer ces accusations. Poursuivre des journalistes pour leurs reportages érode la transparence et la responsabilité, qui sont essentielles à unedémocratie solide. Cela envoie également un message intimidantà la communauté des médias, ce qui pourrait freiner la circulation vitale des idées et des informations nécessaires à un débat public éclairé.

Je vous demande respectueusement d’abandonner les accusations de diffamation contre M. Sheriff et M. Darboe. Une telle action renforcerait votre engagement envers la liberté de la presse et les droits des journalistes en Gambie. Cela montreraitégalement votre attachement aux principes de justice et d’équité, qui sont au cœur de votre leadership.

Monsieur le Président, nous espérons voir la Gambie devenir un modèle de démocratie en permettant aux journalistes de faire leur travail sans craindre des représailles, tout en favorisant la pluralité des voix pour construire une Gambie plus inclusive, qui prône la tolérance, les libertés civiles et la compréhensionmutuelle. Monsieur le Président, l’utilisation précipitée des loissur la diffamation pour poursuivre des journalistes ne doit pas être ignorée, car cela signifierait une tolérance pour l’intimidation et le harcèlement des journalistes, rappelant l’èrede votre prédécesseur, le président Yahya Jammeh, dont le mandat a été marqué par de nombreuses violations des droits humains et des atteintes à la liberté d’expression.

Monsieur le Président, la Gambie est actuellement classée 50e sur 180 pays dans l’Indice mondial de la liberté de la presse2023 par Reporters sans frontières (RSF). Cette position reflète à la fois les défis et les progrès réalisés en matière de liberté de la presse sous votre leadership. Il est à noter que sous le règne de Yahya Jammeh, la Gambie faisait face à de sévères restrictions à la liberté de la presse, ce qui lui a valu un classement bas de 152e sur 179 pays en 2012. L’indice mettait en évidence des préoccupations telles que la censure, les détentions arbitraires et le harcèlement des journalistes sous le mandat de Yahya Jammeh. Il est encourageant d’observer les progrès notables enmatière de liberté de la presse sous votre administration, qui sonthautement louables.

Sous le règne de Yahya Jammeh, le droit à l’information étaitsystématiquement violé, les communications étant coupées oucensurées. Les journalistes subissaient des attaques, des arrestations, des tortures, des condamnations à mort, un exilforcé et la fermeture de médias. Des incidents comprenaient des attaques nocturnes contre des maisons de presse et des imprimeries, ainsi que des assassinats. Notamment, un journal indépendant a été incendié à deux reprises, et il a été fermé de force sans procédure régulière. De plus, le cas du journalisteChief Ebrimah Manneh, disparu sans qu’une enquêteapprofondie ne soit menée par les autorités, a laissé sa famille et sa communauté dans l’angoisse.

Monsieur le Président, la communauté internationale a montréson soutien aux méthodes de gouvernance de votreadministration, en particulier votre engagement envers la liberté de la presse. L’Union européenne, par exemple, a annoncé un programme de soutien de 80 millions de dollars, rétablissantl’aide précédemment suspendue pendant le règne de Yahya Jammeh, en reconnaissance de votre engagement envers la démocratie et le renforcement de la liberté de la presse enGambie. Néanmoins, certaines inquiétudes subsistent quant à la lenteur des réformes, car certaines lois répressives continuentd’exister malgré des promesses de changement. Cependant, il estreconnu que des progrès ont été réalisés sous votre leadership, surtout en comparaison avec l’attitude oppressive de l’administration précédente envers la presse et les journalistes.

Monsieur le Président, nous reconnaissons l’ampleur des défisauxquels vous êtes confronté et les besoins de guérison du peuple gambien pour aller de l’avant. Une transformation significative est cruciale pour aller au-delà de l’ère Jammeh et rétablir la confiance dans les institutions de l’État parmi les Gambiens.

Monsieur le Président, les engagements publics de la Gambie enmatière de liberté de la presse n’auront aucun sens sans des actions rapides. Les objectifs que votre administration s’estfixés, y compris l’éradication de la corruption, ne peuvent êtreatteints sans une presse libre d’opérer de manière indépendante, en toute sécurité, et sans menace de représailles.

Monsieur le Président, je vous implore, vous et votregouvernement, de libérer immédiatement et sans condition l’éditeur Musa Sheriff et le journaliste Momodou Sulayman Justice Darboe, d’abandonner toutes les charges contre eux et de veiller à ce que le journal *The Voice* puisse rapidementreprendre ses activités journalistiques.

Monsieur le Président, la lutte pour la démocratie est avant tout la vôtre, mais les journalistes jouent un rôle essentiel dans le processus démocratique d’une nation. Il est crucial que les professionnels des médias aient la liberté d’opérer, renforçantainsi la confiance parmi les Gambiens, tout en consolidant la démocratie et l’État de droit. Nous espérons votre plein soutiendans cette démarche.

Je vous remercie d’avoir pris en considération cette question. Je suis convaincu que vous agirez dans l’intérêt de la défense des valeurs démocratiques que nous chérissons.

Sincèrement,  

Alagi Yorro Jallow  

Ancien rédacteur en chef fondateur de The Independen*, désormais interdit, et journaliste vétéran.

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