Par : Kemo Kanyi
Le spécialiste de la finance durable, Dr Foday Joof, a livré son point de vue sur la manière dont l’écosystème financier du pays entretient la pauvreté.
Dans un article partagé mardi avec The Voice, il explique que, dans la plupart des économies modernes, l’accès au crédit est un catalyseur — un outil permettant aux individus de construire, de croître et d’investir dans leur avenir — alors qu’en Gambie, le système financier raconte une tout autre histoire : la consommation y remplace l’investissement et la survie l’emporte sur la prospérité.
Le Dr Joof constate que la Gambie reste une économie majoritairement fondée sur l’argent liquide, où les services financiers manquent d’ampleur, de profondeur et de pertinence. Pour la personne moyenne, le crédit n’est tout simplement pas une option.
« Il n’existe aucune carte de crédit accessible, aucun prêt personnel ou à la consommation pour la classe laborieuse, et un financement des petites entreprises très limité », souligne‑t‑il.
Il affirme donc qu’un tel environnement économique décourage l’investissement : « Les gens utilisent le peu d’argent qu’ils gagnent pour survivre, pas pour construire. La consommation est immédiate, urgente et permanente. Il n’y a pas de marge pour penser à long terme, aucun incitatif ni système de soutien pour encourager l’épargne, l’accumulation de capital ou l’entrepreneuriat. »
Le Dr Joof énumère ensuite les raisons pour lesquelles l’architecture financière actuelle échoue à la majorité des Gambiens :
« Premièrement, les banques formelles exigent des garanties élevées sous forme de titres fonciers ou d’autres actifs tangibles que la plupart des Gambiens ne possèdent pas. Deuxièmement, une infrastructure de crédit défaillante : pas de système national de notation, aucun historique formel des comportements de remboursement. Faute de données, les prêteurs pratiquent l’exclusion. »
Troisièmement, il pointe l’analphabétisme financier : nombre de citoyens ne maîtrisent ni la gestion du crédit ni la culture de l’épargne, ce qui fait d’eux des clients peu attrayants pour les institutions financières. De plus, « il n’existe aucun accès au prêt fondé sur le revenu : même les salariés au revenu stable peinent à obtenir des emprunts ». Il soutient que le système financier du pays n’a pas été conçu pour servir le Gambien ordinaire.
L’économiste suggère que, si la Gambie prend au sérieux le développement et la réduction de la pauvreté, elle doit repenser l’architecture de son secteur financier de manière à inclure tous les citoyens.
Il préconise des mesures telles que la mise en place de systèmes de crédit inclusifs adaptés aux personnes à faible et moyen revenu, la promotion d’une alphabétisation financière nationale, en particulier dans les zones rurales, et l’encouragement de partenariats public‑privé pour concevoir des produits financiers adaptés au contexte local afin de remédier à la situation.